Rassegna storica del Risorgimento
MASSARI GIUSEPPE OPERE; STORIOGRAFIA ITALIA; VITTORIO EMANUELE
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Emilia Morelli
plusieurs aides de camp pour le prier de venir en hàle à Turi. Le Maréchal account de sa pcrsonne et, dès le lendemain 30, il fit avec le Roi la reconnaissance de la fameuse ligne de la Dora Baltea. Il ne tarda pas à se convaincre de l'inefficaci té de cette ligne, et le fit reanarquer au Roi qui fut de son avis. La ligne était impossi LI e à défendre, surtout avec le peu de forces dont disposaient Victor-Emmanuel et le Maréchal Canrobcrt. On revint à Turin. Pendant le trajet, Sa Majesté ayant exprimé ses profondes inquiétudes, le Mare chal lui montra ses mstructions jusquc la tenues secrètes. Après les avoir lues, le Roi s'écria:
Je suis donc perdul Je n'ai plus qu'à succomber glorieusement!
Non, Sire, répondit le Maréchal. Il ne sera pas dit que la capitale des alliés de la Franco aura été brùlée devant des baionnettes francaises, si peu nombreuses qu'elles soient. Votre Majesté peut-elle me garantir que Casale et Àlexandrie (vingt lieus en avant sur le flanc gauche des Autrichiens) peuvent mettre à l'abri les quelques milliers d'hommes que je possedè en ce moment?
Je vous en donne ma parole royale, répondit Victor-Emmanuel.
Alors, Sire, je n'hésite pas, pour sauver Turin et malgré la responsabili té immense qui va m'incomber, a me porter sur Casale et sur Alexandria, si Votre Majesté veut m*y 8uivre. Pour sauver la Capitale, il faut l'abandonner et se porter sur les Communications de l'ennemi.
Le Roi ému se jeta dans les bras du Maréchal et, l'embrassant avec effusioni
Oh, mercil Maréchal. Nous partirons cette nuit.
De retour à Turin, le Maréchal quitta le Roi pour prendre les disposi ti ons nécessairea. Le départ, tenu aussi secret que possible, devait avoir lieu vers deux heures du matin. A minuit, tout habillé, il était étendu sur un canapé dans un appartement du Palaia royal, lorsqu'il entend frapper à sa porte. H ouvre, et se trouve en présence d'un homme de petite taille, porteur de lunettes et dont le visage lui était inconnu.
Je suis le Comte de Cavour, dit celui-ci, et je viens vous demander, Monsieur le Maréchal, si Sa Majesté ne s'est pas trompée, s'il est bien vrai que vous, Maréchal de France, ne veuillcz pas défendre Turin et que vous abandonniez les positions de la Dora Baltea? C'est impossible.
C'est pourtant la vérité, Monsieur le Comte, répliqua le Maréchal. Seulement, il ne faut pas dire que je ne veux pas, mais que je ne puis pas. Je suis seul juge de la situation. N'ayant pas de conseils à vous donner en politique, souffrez qu'en fait de dispositions mili-taires je ne vous en demande pas.
Quelle responsabilité sera la votre, Monsieur le Maréchal, devant l'histoire et devant rEmpereurl
Croyez, Monsieur le Comte, que j'ai réfiéchi avant de prendre cette décision. Autant que vous, je désire sauver le Roi de Sardaigne et sa capitale. Voilà pourquoi j'emploie l'unique moyen qui nous reste.
Le grand ministre salua froidement et se retira. Le Maréchal regagna son canapé. Deux heures après, les troupes quittaient Turin, les Frangais pour aller occuper Àlexandrie et Casale, les Piémontais pour s'établir sur la rive droite du Po vers San Salvator. Dès que les Autrichiens eurent connaissance du mouvement, ils abandonnèrent leur marche en avant sur la capitale et rétrograderent. La ville était sauvée! Le pian du Maréchal avait complètement réussi. Sans doute c'était un coup d'audace, où le Maréchal, mccon-naissant les ordres formels de son gouvernement, encourait une terrible responsabilité; mais c'était le seul moyen de sauver le Piémont et, par suite, l'Italie! Un ennemi mieux informe aurait connue l'insufiisance de nos forces et ne se serait pas donne la peine de revenir sur ces pas. Il aurait su que notre armée descendait lentement, très-lentement, les Alpes, et qu'avant qu'un corps d'armce eut pu opérer sa jonction avec les troupes venues par mer et débarquant à Génes, il avait tout le temps de pénétrer dans Turin, de la saccager, de couper la ligne ferree entre Suze et Génes, et quelles conséquences pour le Piémont, l'Italie et la France!
Le Roi n'oublia jamais le scrvice que le Maréchal venait de lui rendre dans cette circonstance. Ces faits si importante du début de la campagne sont consignés sans détails dans un ouvragc officici sur la guerre de 1859, public par le Minuterò de la guerre.